Elevate Premium Fitness entend imposer la vision d’un fitness premium à Bordeaux, évoluant dans les interstices du marché entre 22 Basic-Fit. Avec dix coachs par club, l’enseigne haut de gamme espère apporter un accompagnement digne de celui d’un sportif professionnel, en vertu de la vision de ses fondateurs, Moses Mubarak, lui-même ex-basketteur de haut niveau, et José Ansorge, préparateur physique.
BIENTÔT TROIS ANS QUE LA PANDÉMIE DE COVID-19 A FRAPPÉ LE MONDE, DONT CELUI DU FITNESS, ET ses effets se font toujours sentir. Moses Mubarak a ouvert son dernier club en septembre 2021, après le plus gros de la crise, mais il n’enregistre de véritable dynamique commerciale que depuis ce mois de janvier 2023. C’est le troisième né de son enseigne Elevate Premium Fitness, aux Bassins-à- Flot à Bordeaux. Effet rebond oblige, le club démarre fort avec 250 clients « acquis très rapidement », mais ensuite, le manager observe une pause, une « grande pause même », de presque un an. Aujourd’hui, il dit avoir acquis près de 500 membres sur ce centre, pour un objectif de 600, mais avec un « retard de six mois ». Installé dans un hôtel 5 étoiles et assis sur un panier moyen confortable de 110 euros par mois, ce centre n’a pas connu la même trajectoire que son petit frère, ouvert lui, juste avant la crise de la Covid-19. « Aucun des clubs n’a eu la même évolution », reconnaît le dirigeant, ce qu’il trouve « très compliqué » à appréhender car il assure avoir appliqué la même recette pour chaque centre.
Impossible de commencer la présentation du concept Elevate ni la vision du fitness de Moses sans revenir sur la crise. « C’était horrible », résume celui qui est pourtant habitué aux challenges, en tant qu’ex-basketteur professionnel, passé par l’Elan béarnais Pau-Lacq-Orthez, le Champagne Châlons Reims Basket, le Radisson Red Glasgow Rocks, l’ASC Denain Voltaire PH ou encore le Garonne ASPTT Basket. « On nous donnait 10 000 euros par mois et ça ne couvrait pas les charges, comme l’électricité », regrette le patron qui aurait aimé plus d’aides de l’État. Pour autant, il décide de garder « 100 % des salaires, car ils ne sont pas énormes, mais ça a vraiment pesé, car ça a duré longtemps ». Comme dans de nombreux cas, les bailleurs ne lui font pas de cadeaux et ne baissent pas les charges. « Pour survivre, on a injecté de l’argent, sur fonds propres », concède-t-il. L’entreprise perd, sur la période de la Covid-19, environ 450 000 euros de trésorerie – alors qu’elle génère 2 millions d’euros de chiffres d’affaires (en 2022). Les banques, « qui ne prêtaient déjà pas avant, ne prêtent bien évidemment pas plus en temps de crise », témoigne le manager.Le prêt garanti de l’État (PGE), Moses Mubarak en souscrit deux petits de 50 000 € et il ne le regrette pas, car il n’a presque plus rien à rembourser aujourd’hui.
LE DÉFI DE LA COVID-19
Pendant la pandémie, le dirigeant en profite pour agrandir son deuxième club, celui de Saint-Genès, à Bordeaux aussi. Il passe de 700 à 1 700 mètres carrés, mais malheureusement, la crise de la Covid a laissé place à l’inflation… Les coûts des matériaux, en hausse de 30 %, l’empêchent de parachever la rénovation du centre. Et encore une fois, « la banque n’a pas voulu prêter plus d’argent ». Il devait y avoir un bar et un deuxième vestiaire, le matériel devait être entièrement renouvelé, les fenêtres changées elles aussi, la décoration remise au goût du jour. « Le club reste 100 % exploitable », veut rassurer le manager, qui n’a pas communiqué sur ces chantiers en cours auprès de ses clients. « Le problème est que comme on est plus chers que tous les autres acteurs du marché, les clients s’attendent toujours à beaucoup, ils comparent à Basic-Fit alors que nos forfaits vont de 80 à 200 euros par mois, mais on a du service en plus, bref ils ne se rendent pas compte », souffle le manager.
On reconnaît dans le discours de Moses Mubarak l’état du marché du fitness, polarisé entre low cost et premium. « On ne partage pas du tout la vision du low cost », enfonce-t-il. « Ils ne mettent aucun moyen pour que les clients aient des résultats, donc ils sont frustrés des salles de sport et résilient, ou payent sans y aller », déplore-t-il, comme d’autres avant lui. En tant qu’ancien sportif de haut niveau, il sait que pour se motiver à faire du sport au quotidien, « il faut cultiver une mentalité de guerrier », or, on ne peut pas demander à Monsieur et Madame Tout-le- Monde de telles dispositions d’esprit. « Pour répondre à ce défi, nous proposons beaucoup plus de coachs que la moyenne, avec dix accompagnants par club. » Le forfait de base à 80 euros mensuels propose un accompagnement par un coach, lui aussi, mensuel.
« Nous axons beaucoup sur les cours collectifs pour chercher un moyen ludique de mettre les gens au sport même quand ils n’en ont pas l’envie, car c’est une corvée pour la plupart », indique Moses Mubarak. Au menu, TRX, Gym posturale, CrossFit, Pump, Stretching, Pilates, Boxing, Core Training, Gym Ball, 100 % Abdos, Lift… En somme, les figures imposées du fitness et quelques figures libres inspirées par les coachs eux-mêmes qui peuvent créer leurs cours. Ils sont rétribués de 100 euros par mois s’ils portent un cours, de quoi arrondir leur salaire de 1 500 à 1 600 euros nets. Salaires qui ont dû augmenter d’un coup de 150 euros avec la revalorisation du SMIC, rappelle le patron, obligé de consentir à une hausse alors qu’il a déjà « du mal à les fidéliser ».
Malgré le positionnement premium du club, les coachs n’ont guère plus qu’un BPJEPS, faute de profils disponibles sur le marché, selon Moses Mubarak. « J’aimerais pouvoir les trier sur le volet, mais malheureusement, actuellement, c’est compliqué d’en trouver », dit-il, ajoutant leur proposer des formations en interne. « On a créé une formation sur ce qu’est un coach Elevate, financée par l’Opco (l’État, NDLR) », annonce-t-il. Il s’agit de former le professionnel sur « le savoir-être, comment on s’occupe d’un client, comment on s’habille – ce qui n’est pas si évident en 2023 », observe le patron.
VISION DE SPORTIF DE HAUT NIVEAU
Après le basket, Moses Mubarak ouvre un premier club, aux Chartrons, à Bordeaux. Nous sommes en 2014. Il y investit 400 000 euros dans les locaux et 500000 euros en travaux – auxquels il vient de rajouter 300 000 euros en rénovation. Il faudra attendre cinq ans pour le deuxième club, loué celui-ci, car c’est un centre historique créé vingt-cinq ans plus tôt avec une clientèle de 250 membres. Le manager y investit 1,2 million d’euros pour le moderniser et le mettre aux couleurs d’Elevate. Il refait la piscine, crée une box de CrossFit (avec la licence officielle), ouvre une salle de yoga. Puis vient le fameux troisième club, signé deux jours avant la Covid-19 et ne reposant sur aucun un prêt… « On a mis beaucoup de fonds propres », dit-il.
Trois clubs premiums arrachés de terre à la force du poignet, nonobstant les difficultés donc, pour porter une vision, celle d’un sportif professionnel. « Notre vision, comparée aux autres clubs de fitness, était de faire en sorte que les gens qui ne font pas de sport – et ils sont nombreux – puissent avoir un accompagnement sportif digne d’un sportif de haut niveau, alors nous avons monté la salle avec mon associé José, qui était mon préparateur physique. On se rendait compte que les gens allaient en salle de sport, mais ils ne tenaient pas sur la durée, ce qui est, je le rappelle, aussi difficile pour un pro. À Bordeaux, à part Basic-Fit et quelques autres clubs low cost, il n’y avait pas de premium, alors il existait une place pour nous » rembobine Moses Mubarak. « L’idée est que dans le parcours client, il y ait toujours un référent, et que ce soit une vraie personne, pas une application mobile », poursuit-il.
« UNE QUESTION DE PRIORITÉS »
Au-delà de la première offre à 80 euros, Elevate Premium Fitness propose dans le deuxième étage de la fusée une deuxième offre à 149 euros par mois offrant, elle, un coaching par semaine. Enfin, une troisième à 199 euros mensuels propose deux séances par mois. En réalité, la première offre attire 75 % des adhérents, quand la deuxième en séduit 20 % et la dernière (très premium même pour Paris !) en touche 5 %. « Quand vous proposez 10 séances, les gens font les 10 séances, mais si vous proposez un coaching par semaine, ils ne le feront pas forcément car ils auront des vacances, une indisponibilité, un coup de fatigue, et finalement, sur une année, ils auront suivi 50 % des cours », a calculé Moses Mubarak. Bien sûr, lorsque les adhérents n’honorent pas leur séance ou bien quand ils commencent à devenir moins réguliers, ils sont relancés commercialement. Mais il n’empêche qu’en ces temps d’inflation post- Covid, d’aucuns diront que ce « no show » de 50 % ne mange pas de pain…
Côté clients, Moses Mubarak est catégorique sur le positionnement prix. « L’inflation ? Cela dépend des priorités des gens. Est-ce le sport ? Si oui, ils vont mettre leur budget où il faut et alors peut-être réduire leur abonnement Netflix ou autre. » Sur la typologie de clientèle, « on ne va pas se mentir, ce sont plutôt des cadres supérieurs, mais au prix auquel on vend notre abonnement, ce n’est pas non plus excessif », nuance l’entrepreneur. « Payer 80 euros par mois, tout le monde à ce niveau de rémunération peut le faire. Cela étant, certains ont pour priorité de s’offrir un smartphone à plus de 1 000 €, il y a aussi des gens au SMIC qui cumulent des abonnements Canal+, Netflix, beIN Sports, Deezer, Spotify… pour plus de 100 euros par mois, c’est une question de priorité », conclut Moses Mubarak
ACCOMPAGNEMENT CONNECTÉ
Pour ce prix, Elevate Premium Fitness propose à ses clients un suivi connecté grâce à l’application mobile eGym. « Toutes nos machines sont connectées et lorsque vous suivez une séance libre, vous pouvez renseigner votre entraînement dans l’appli », indique le manager. Une fois par mois – dans le cadre de l’offre de base –, le coach adapte la séance en se basant sur les données récoltées. C’est assez rare pour être souligné, mais l’enseigne ne cherche pas à générer de revenus additionnels, par exemple des compléments alimentaires en bar ou du petit équipement dans une boutique dédiée. « On a deux commerciaux par clubs donc on doit se concentrer sur nos produits phares », explique le dirigeant, pour qui « vendre des t-shirts ou des sacs serait une perte d’énergie commerciale ». Bien sûr, il offre quelques goodies comme des t-shirts et des sacs afin d’améliorer la notoriété de marque de l’enseigne. En la matière, le roi est bien Basic-Fit et ses sacs gris/ orange que l’on voit partout dans les grandes villes. « On a d’ailleurs des clients qui viennent chez nous avec ces sacs Basic-Fit », sourit le dirigeant.
La comparaison s’arrête là, car l’enseigne officie sur un marché différent et ne cherche pas à capter cette clientèle low cost. Avec un taux de pénétration inférieur à 10 % en France, le fitness a de quoi convaincre d’autres adeptes dont la vision pourra coller à celle de Moses Mubarak.
Le développement commercial d’Elevate Premium Fitness ne passera donc pas par la franchise, son manager étant, là encore, formel : « J’ai beaucoup voyagé et je n’ai jamais vu de modèle de franchise haut de gamme dans le monde, donc je ne pense pas révolutionner le genre ici. » Le manager reste en revanche attentif à un développement en propre, « selon les opportunités », dans d’autres grandes villes de France. Pas Paris – « pas dans mes moyens, ’ai visité Blanche, c’est une autre planète ! », confie Moses Mubarak – et pas Lille non plus où « il fait trop froid ». Donc certainement plus le Sud. Déjà à Bordeaux, avec trois clubs, il estime que le potentiel reste énorme : « Il y a 22 Basic dans la ville alors que le fitness ne touche qu’un Français sur dix. Concentrons-nous sur les neuf autres ! »