Gestion de club : un décalage entre le fantasme et la réalité

Gestion de club : un décalage entre le fantasme et la réalité

Aujourd’hui, la sédentarité est la cause de nombreux mots. Les mauvaises postures quotidiennes, qui stressent la colonne vertébrale et provoquent des problèmes de dos, engendrent aussi des soucis de cervicales, de digestion, des troubles du sommeil… Ces déboires physiques ont des conséquences psychologiques inquiétantes, et le mal-être des adultes aujourd’hui est croissant. L’activité physique apparaît alors comme une bonne solution pour contrer ces soucis.

Même si la pratique régulière d’un sport n’est pas encore répandue puisque 55 % des Français et Françaises n’en n’ont aucune, la campagne manger-bouger a fait entrer dans les esprits qu’une activité quotidienne, même modérée, a une action bénéfique sur la santé. Quant aux adultes les plus motivés, ils prennent leur courage à deux mains et poussent la porte du club de fitness le plus proche de chez eux ou de leur travail (1er critère de choix).

Le club de fitness : lieu idéal pour se “remettre au sport” ?

Reprendre un entraînement, même léger, après plusieurs années d’inactivité n’est pas aisé. A priori sans idée de performance, les exercices de renforcement musculaire, les activités de cardio- training, le Pilates, le yoga, les programmes LesMills®, la Zumba®, les activités inspirées de la danse… sont censés être adaptées à tout le monde, quels que soient l’âge et l’état physique. En s’amusant, les pratiquants/tes de fitness ou de wellness peuvent ainsi se “remettre au sport” et progresser à leur rythme. Si telle était la réalité, nous trouverions à la place des bars-tabacs et des sandwicheries, des clubs de fitness à tous les coins de rue ! Seulement, au regard des dernières études, 74% des Français et Françaises qui font du sport pratiquent plutôt à la maison ou en extérieur, en dehors de tout cadre. Seulement 5% des pratiquants sportifs sont inscrits dans une salle. Ils restent inscrits d’abord pour l’ambiance (64 %) et le côté collectif.

L’encadrement n’apparaît pas comme un atout déterminant (36%). Pourtant, le développement du “sport sur ordonnance” prescrit par les médecins généralistes devrait à l’avenir amener le nombre de clubs, ou au moins le nombre de clients/clientes, à augmenter considérablement (encore en projet pilote, c’est une priorité de la loi santé bien-être de 2013).

Coach ? Vous avez dit coach ?

Force est de constater que les coaches qui devraient être acteurs et actrices de l’intégration des nouveaux clients ne jouent pas le rôle qu’implique leur titre. Ils/elles devraient, grâce à leurs compétences physiologiques, anatomiques, psychologiques, et pédagogiques, identifier avec la personne nouvellement inscrite, ses envies, ses besoins, ses contraintes, puis élaborer avec elle un programme réaliste, atteignable et mesurable. Les coaches devraient ensuite guider, accompagner, ajuster la planification le cas échéant, afin que les clients atteignent leurs objectifs.

En cours collectif, le/la coach devrait proposer un contenu adapté à un public souvent très hétérogène. On attendrait de lui/elle qu’il/elle modifie, adapte, module ce qu’il/elle propose en fonction des difficultés des gens en face de lui. Le contenu dispensé doit alors être TRÈS accessible, le dosage léger, et les options plus difficiles proposées oralement pour les pratiquants les plus avancés. On sait, bien sûr, que le débutant “s’accroche” à ce qu’il voit. Si devant lui le/la coach fait une option compliquée, il la fera aussi ! Si un participant/te a besoin d’aide, le /la coach doit savoir quitter sa démonstration pour venir en aide à la personne qui en a besoin. Ce savoir-faire s’acquiert avec une formation solide. Les compétences s’affinent avec l’expérience, et le regard du coach s’aiguise au fur et à mesure des années, afin de pouvoir mieux observer ses clients.

Les compétences techniques s’étiolent au profit des qualités d’animateurs/trices

Une bonne partie des coaches/coaches n’utilisent pas les compétences qu’ils/ elles sont censés avoir et cantonnent leurs interventions à de la démonstration. La pédagogie se limite alors à des commentaires de gestes, ou disparaît complètement au profit de la musique poussée à son volume maximum. La démonstration au lieu d’être un outil, devient un but à atteindre, un challenge, physique, une performance. Et c’est au client/te de s’adapter… de faire ce qu’il peut ! Alors pour suivre le rythme, le mouvement, la vitesse, le pratiquant inexpérimenté et sans repères physiques, s’accroche comme il peut. Ceci se fait souvent au détriment de ses placements, de ses alignements, de son dos… In fine, participer à un cours collectif pour se faire du bien s’achève en fait par des douleurs accrues. Ces clients ne reviennent pas et sont confortés dans l’idée que, décidément, les clubs de fitness ne sont pas pour eux.

Cette tendance de la pédagogie basée sur le recopiage est aussi fréquente dans les clubs de yoga en plein développement aujourd’hui, où l’on demande aux participants de faire des postures intenables démontrées sans modifications ni explications par un “professeur” qui pratique depuis tellement longtemps qu’il est incapable de se mettre à la place des débutants. L’Équipe Magazine avait d’ailleurs conclu son dossier spécial salles de fitness de janvier 2014 par la phrase suivante “le seul abonnement qu’on a envie de prendre [après toutes ces visites de clubs], c’est chez le kiné”. Le plateau de musculation apparaît, quant à lui, comme le parent pauvre de la salle, les stagiaires inexpérimentés et souvent inquiets sont tenus de faire les permanences; ils n’osent pas aller voir les gens sur un espace souvent dominé par les “hyper fréquentants” ! Même s’il existe bon nombre d’endroits où le sens du service et de l’écoute prime, les débutants sur le plateau se sentent souvent seuls, mal accompagnés et isolés.

Un management sportif pour une meilleure fidélisation des clients

La France est un des rares pays à proposer une vraie formation initiale de professionnels de la forme. Le DEUST des métiers de la forme ou le BPJEPS qui a remplacé le BEMF, attestent que les gens diplômés possèdent donc les compétences dont les clients ont besoin. Ils sont capables de s’occuper de n’importe quel client.

Au fur et à mesure des mois, les coaches connaissent bien les adhérents. Une vraie complicité s’installe entre eux. Les clients qui progressent amènent le coach à augmenter le niveau de séances, et plus le niveau des séances augmente, plus le fossé se creuse entre les nouveaux inscrits et le “groupe” coach/clients fidèles. Même en cours de step débutant, vous entendez les coaches énoncer au début de la séance : “Si vous n’êtes pas venus depuis deux semaines, tant pis pour vous, car j’arrive à la fin de la choré.” Idem en cours d’abdos fessiers où la durée d’un même exercice est si longue, que les nouveaux participants passent plus de temps à se dire que c’est trop dur qu’à pratiquer réellement. En BodyPump, la course à la charge la plus lourde fait croire que l’efficacité d’un exercice est corroborée aux kilos soulevés, la qualité technique d’exécution n’est plus une préoccupation.

Le manager sportif doit tenir ici un rôle majeur. Plus expérimenté, il doit aider son équipe à garder le souci de la prise en charge du débutant, des nouveaux clients. Observateur des séances, il doit identifier celles qui doivent changer d’intitulé de niveaux de pratique lorsque le groupe a bien progressé. Si le cours de “step débutant” du mardi 18 heures connaît la même fréquentation depuis six mois, il est peut-être temps de le nommer “step intermédiaire” et d’ouvrir un nouveau créneau de step débutant pour y amener les nouveaux clients. Dans les cours multi-niveaux, il faut que le manager veille au contenu: est-il suffisamment simple pour que tout le monde y arrive ? Les options difficiles sont- elles proposées de façon ciblée à celles et ceux qui en sont capables ? Le/la coach quitte-t-il/elle sa démonstration quand les gens en ont besoin ? Pendant les exercices au sol (crunch, pompes, développé coucher… ) se met-il/elle debout pour que les gens n’aient pas à se tordre le cou pour le/la voir ?

Le manager doit lui-même appliquer ces règles (non exhaustives), être un modèle pour son équipe. Mais il doit aussi être une ressource, apporter les solutions et ne pas seulement souligner les manquements de son équipe. Il doit s’appuyer sur elle et valoriser les qualités de chaque coach. Garant du suivi des nouveaux inscrits, il doit vérifier que sur le plateau, ceux-ci sont bien pris en charge. Il doit contrôler leur fréquentation et faire en sorte qu’ils soient contactés personnellement s’ils ne sont pas venus à la salle depuis plus de 15 jours. L’exercice est aisé lorsque le club est équipé d’un bon logiciel de suivi des clients. Et que l’on sait bien s’en servir ! Pour être un/une bon/ne manager, il ne faut pas seulement une bonne expérience, il faut aussi suivre régulièrement des séminaires, des stages, des conventions, des formations… Cela représente un budget, un investissement qui est rentable sur la durée car il contribue à fidéliser les clients, à les satisfaire. Mais les résultats ne se mesurent qu’à long terme. Malheureusement, les clubs préfèrent investir davantage dans de la publicité, et ne focaliser leur politique commerciale que sur la recherche de nouveaux clients… qui continuent à ne pas rester pour 70% d’entre eux !

Deust – Métiers de la forme

BPJEPS

edelahaye