POUR ÉVALUER UNE ENTREPRISE, les experts utilisent des techniques sophistiquées, des calculs savants et, si possible, hors de portée du commun des mortels… Mais pour autant, l’évaluation ne se résume qu’à une histoire d’additions et de soustractions et n’est pas une science exacte !
Les intérêts des cédants et des acquéreurs étant souvent contradictoires, l’évaluation laisse une très large place à la subjectivité et il existe autant de techniques d’évaluation que d’évaluateurs. L’approche que nous vous proposons ici n’est donc qu’une méthode parmi d’autres. Mais elle a le mérite d’être spécifique aux salles de sport, simple à comprendre et à reproduire, et surtout indépendante en cela qu’elle ne vise ni à défendre les intérêts des vendeurs ni ceux des acheteurs.
Stéphane RITTERBECK & David FONCLAUD, Associés chez Fitness Business
NOTRE APPROCHE s’articule en deux phases : évaluation du fonds de commerce, puis évaluation de la société.
1- Estimer la valeur du fonds de commerce
Pour déterminer la valeur d’un fonds de commerce, qui intègre tous les éléments nécessaires à l’exploitation, notre méthode consiste à appréhender le chiffre d’affaires du club en deux blocs qui seront valorisés avec des coefficients différents : le chiffre d’affaires en prélèvement automatique mensuel (ci-après : CA PAM) d’une part, et le chiffre d’affaires non prélevé (ci-après : CA CASH) d’autre part.
Les données récentes étant toujours plus pertinentes que les données anciennes, pour valoriser le premier bloc (CA PAM), nous prenons en compte les prélèvements du dernier mois d’exploitation c’est-à-dire le montant TTC net (hors impayés) des cotisations prélevées. Considérant que ce chiffre d’affaires prélevé, de par sa récurrence, a plus de valeur que celui qui ne l’est pas, il sera valorisé avec un coefficient de 10.
Le deuxième bloc (CA CASH) est calculé par la différence entre la valorisation du chiffre d’affaires prélevé (CA PAM × 10) et le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé sur les douze derniers mois ou, à défaut, sur le dernier exercice clôturé. Le montant obtenu sera valorisé avec un taux allant de 25 à 50 % selon :
- L’évolution du chiffre d’affaires : si la tendance est haussière sur les derniers exercices, on retiendra un taux proche de 50 %. Si, au contraire, l’évolution du chiffre d’affaires est à la baisse, on restera sur un taux proche de 25%.
- La durée des contrats d’abonnement : les engagements de deux ans non prélevés valent moins que les engagements d’un an ! En effet, pour le repreneur d’un fonds de commerce, les abonnements déjà souscrits et payés à l’ancien exploitant sont des dettes sous forme de “prestations à servir”, autrement dit des charges qu’il devra supporter jusqu’au renouvellement hypothétique desdits contrats. Plus l’échéance est lointaine, plus la charge est élevée et plus le taux de renouvellement sera faible.
- La date prévue pour la transmission du fonds : un fonds repris début mars vaut moins qu’un fonds repris début septembre.
En effet, en achetant un fonds de commerce au début de la période de basse activité, la majeure partie du chiffre d’affaires annuel non prélevé aura déjà été réalisée et encaissée par le cédant et il reviendra au repreneur de supporter les charges liées aux abonnements sans pouvoir bénéficier des recettes correspondantes.
Pour illustrer : les clubs “PAM FITNESS” et “CASH FITNESS” réalisent tous les deux le même chiffre d’affaires annuel, soit 600 000 € hors taxes. Les prélèvements automatiques mensuels de PAM FITNESS s’élèvent à 50 000 € nets : CASH FITNESS ne fait pas de prélèvement automatique.
En retenant la valeur moyenne qui ressort de ces deux approches, soit 537 500 € pour PAM FITNESS et 225 000 € pour CASH FITNESS, on constate que la méthode valorise beaucoup plus les clubs qui ont recours au prélèvement automatique. Cet écart de valeur (312 500 €) nous semble parfaitement justifié, car, pour l’acquéreur, le chiffre d’affaires à prélever (prévisible et récurrent) vaut bien plus que le chiffre d’affaires déjà encaissé par le vendeur et les engagements qui vont avec. Les engagements, c’est-à-dire les PCA, sont des dettes et cette méthode les valorise comme telles.
La capacité du fonds de commerce à générer du profit doit aussi entrer en ligne de compte lors de la fixation du prix. Elle sera jugée selon deux critères : les résultats des exercices antérieurs et les rémunérations versées aux dirigeants. En conséquence, pour finir et affiner la valorisation du fonds de commerce, on appliquera une décote, qui peut être importante et qui relèvera de la négociation, si le fonds repris est régulièrement et structurellement déficitaire (ex. : loyer annuel > à 15 % du chiffre d’affaires = club structurellement déficitaire).
2- Estimer la valeur de la société
Pour passer de la valeur du fonds de commerce à la valeur des titres : point de subjectivité ! La technique est simple, elle consiste à recalculer le montant des capitaux propres – en tenant compte (1) de la valeur du fonds de commerce qui aura été retenue au terme du calcul vu précédemment ; (2) du résultat dégagé entre la date du dernier arrêté comptable (ci-après : bilan de référence) et la date de cession des titres – de sorte qu’au terme des calculs, le montant des capitaux propres retraités nous donne le prix de cession de 100 % des titres de la société.
Pour ce faire, on part du montant des capitaux propres du bilan de référence. À ce montant, on retranche toutes les valeurs représentatives du fonds de commerce mentionnées à l’actif, à savoir les immobilisations corporelles et incorporelles nettes. On retranchera également à ce montant les engagements de crédit-bail restant à la date de cession. Il s’agit généralement de matériels de fitness en crédit-bail (ou en location avec option d’achat). Le montant de ces engagements ne figure pas au bilan. On le calcule en multipliant les échéances mensuelles de loyer de crédit-bail par le nombre de mois restant après la cession. On ajoute à ce montant la valeur résiduelle ou toutes sommes dont on devra s’acquitter pour devenir propriétaire des biens à l’issue du crédit-bail. Ensuite, on ajoutera la valeur retenue lors de l’évaluation du fonds de commerce, et, enfin, pour actualiser les capitaux propres à la date de cession, on ajoutera le résultat net comptable réalisé entre la date du bilan de référence et la date de cession (en général, on se contente d’une estimation faite au prorata du temps écoulé depuis la dernière clôture). S’il s’agit d’un bénéfice, le prix de cession sera augmenté, s’il s’agit d’une perte, il sera minoré.
On constate que l’écart de valeur entre les deux clubs reste le même (312500€). Contrairement à la technique qui a permis d’estimer la valeur du fonds de commerce, la méthode qui permet de valoriser les capitaux propres est purement mathématique. Tout au plus on pourra discuter de valeur à réintégrer en cas d’existence d’un déficit fiscal reportable puisqu’il s’agit, d’une certaine manière, d’un actif qui ne figure pas au bilan et qu’on valorisera au maximum à15%.
Il était autrefois d’usage de considérer que la valeur du fonds de commerce d’une salle de sport était égale à 100 % de son dernier chiffre d’affaires hors taxes. Ce temps est révolu. Aujourd’hui, les transactions se font sur des niveaux de prix très inférieurs. Seules les salles qui réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaires en prélèvement automatique et qui dégagent plus de 10% de rentabilité après impôts peuvent se vendre à des niveaux de prix proches de 100 % de leur dernier chiffre d’affaires hors taxes.
“La valeur d’une idée dépend de son utilisation”, disait Tomas Edison… mais la valeur d’une salle de sport, elle, dépend de ses prélèvements !
Définition : Le fonds de commerce est l’ensemble des biens corporels et incorporels affectés à l’exploitation de la salle de sport.
Principaux éléments incorporels : La clientèle (c’est le seul élément indissociable de la notion de fonds de commerce ; sans clientèle, pas de fonds de commerce) ; le droit au bail ; l’achalandage (c’est le passage lié à l’emplacement) ; l’enseigne et le nom commercial ; les licences d’exploitation.
Principaux éléments corporels : le matériel (les équipements, les machines, les ordinateurs, etc.) ; les aménagements et les installations ; le mobilier commercial.
Le fonds de commerce ne comprend normalement que des éléments d’actif. pas de dette en dehors des PCA.
Le fonds de commerce comprend également l’ensemble des contrats nécessaires à l’exploitation, notamment : numéro de téléphone, site internet et nom de domaine, contrats de maintenance et d’entretien, assurances, eau, électricité, gaz, etc. Les contrats de franchise et de crédits-bails peuvent, selon les cas et sous certaines conditions, être transférés. Les contrats de travail sont obligatoirement transférés. La cession n’est en aucun cas un motif qui légitime la rupture d’un contrat de travail. Les stocks ne font pas partie du fonds de commerce, ils sont en principe refacturés à l’acquéreur pour leur valeur d’achat.