80 millions de pratiquants en 2025, c’est un objectif audacieux, mais réalisable si la croissance du marché européen reste stable à 5 % par an. Dans cette perspective, la France à son rôle à jouer ! Exclusif ! Interview de Herman Rutgers, membre du Board d’Europe Active.
Depuis combien de temps êtes-vous à Europe Active, et quel est le rôle exact de cette association ?
Herman Rutgers _ J’ai commencé en 2007 comme directeur du nouveau EHFA (European Health & Fitness Association). En 2014, j’ai quitté ce poste (Nathalie Smeeman a pris cette fonction) et je suis depuis, membre du Board et responsable pour les projets de recherche et événements. En 2015, EHFA est devenue Europe Active et son rôle est de représenter notre secteur à la Communauté européenne. Europe Active vit aujourd’hui grâce à des grands sponsors tels que FIBO, Vigrin Active, Basic Fit, grâce à la Communauté européenne de laquelle ils obtiennent des subventions pour faire la promotion du fitness et de l’activité physique en Europe, mais aussi grâce aux partenaires du marché du fitness comme Matrix, Life Fitness, Precor, Technogym, etc.
Le budget d’Europe Active cette année s’élève à près d’un million d’euros.
En France, des enseignes comme Keep Cool, CMG et Fitlane ont adhéré à Europe Active. C’est intéressant pour les clubs. D’une part, Europe Active applique le « T ransfer of Labour », un entraîneur français peut travailler en Suisse, Belgique, etc., tout comme un coach allemand peut travailler en France. D’autre part, nous établissons des standards pour les professeurs, avec la qualification EQF ; il est donc plus facile de comparer les compétences et les niveaux d’éducation en Europe.
Vous réalisez depuis trois ans avec Deloitte un rapport sur le marché du fitness européen, quel constat faites-vous sur son évolution aujourd’hui ?
HR _ Le marché du fitness européen est encore en pleine croissance. Par exemple, le marché a connu une croissance de 4,9 % par rapport à 2014, en valeur cela correspond à 26,7 milliards d’euros et en nombre de membres 52,4 millions. L’Europe a également connu une augmentation de clubs de 3 %. Le Danemark fait partie des pays qui ne progressent pas, mais il est vrai qu’il est déjà très haut avec 18 % de pénétration soit plus du double de la France. Nous constatons également un effet de levier positif pour l’augmentation de la pénétration du fitness dans les pays où des chaînes sont en forte concurrence.
Quel pays, d’après vous, est un exemple à suivre en matière de développement ?
HR _ Selon moi, trois pays situés dans le nord de l’Europe : la Suède, la Norvège et les Pays-Bas. J’insisterai particulièrement sur la Norvège, pour qui la TVA est à 0 % pour le fitness, et dont la pénétration s’élève à 19,4 % de la population. Si tous les pays disposaient de cette pénétration, on doublerait le CA européen.
Quelle enseigne de clubs, selon vous, a su le plus évoluer depuis dix ans ?
HR _ Il y en a plusieurs dont McFit, SATS , PureGym et Basic Fit en Europe, Keep Cool en France connaît également une progression régulière. Ces enseignes et ces concepts offrent une prestation au juste prix. McFit a importé le low cost en Europe, et depuis 20 ans, n’a fait qu’améliorer son produit. Au départ, par exemple, ils ne proposaient que des équipements d’occasion et ils sont aujourd’hui passés au neuf. Ils ont également amélioré leur décoration d’intérieur. De ce fait, ils ont augmenté de 5 € leur prix d’abonnement (passant de 15 à 20 € par mois). McFit est ouvert tout le temps, il n’y a pas de service. Le produit proposé est très clair et facile à comprendre pour le consommateur.
D’un autre côté, il y a SATS , un concept un peu plus haut de gamme, avoisinant les 45-50 € par mois comprenant des cours collectifs, des programmes minceur, des programmes femmes enceintes, un corner café, et même des piscines dans certains clubs. Ce sont des services que les clients apprécient. SATS est d’ailleurs leader du marché en Suède. À l’instar de McFit, l’offre est très lisible pour le client.
Le secret pour réussir est d’avoir une position forte, un concept très clair, les consommateurs doivent savoir pour quoi ils paient, peu importe le tarif final.
Pensez-vous, comme Dr Andrew Jones, que le modèle moyen de gamme de club des années 1980 à 2000 est mort ?
HR _ Je ne suis pas complètement d’accord avec cette idée quand vous regardez aujourd’hui la répartition du marché, en volume.
En Allemagne, par exemple, le low cost représente 35 % du marché, le premium 15 %, et 50 % du marché correspond au moyen de gamme. Le low cost ne pourra pas augmenter, car il y a trop de concurrence. D’ailleurs, ils augmentent plutôt leur prix : 20 € par mois devient le prix du low cost, soit 5 € de plus qu’il y a trois ans. Il existe encore de nombreux clubs moyen de gamme, car le marché de chaque pays ne peut pas être fait uniquement de clubs low cost, et les personnes abonnées dans des clubs low cost ne sont pas forcément peu fortunées. De plus en plus de personnes possèdent deux abonnements : un tout près de leur lieu de travail (un club low cost par exemple), et un près de leur domicile (souvent plus haut de gamme).
Quelle va-t-être, d’après vous, la plus grosse tendance des dix prochaines années ?
HR _ Les milleniums sont pratiquement nés avec un portable en main, ils ne vivent qu’avec la technologie. Cette génération est tout à fait différente du point de vue de la consommation, il faut donc s’adapter. Pour eux, la personnalisation est importante. Par exemple, ils achètent, des chaussures dont ils ont fait le design en ligne. Pour le fitness, c’est pareil, il faut des programmes personnalisés.
Egym et Milon sont de bons exemples de personnalisation pour les salles. Les pratiquants veulent du service personnalisé et c’est un problème pour les clubs qui doivent trouver la solution.
Le CrossFit, les courses type Spartan et MudDay fonctionnent actuellement très bien grâce au dépassement de soi qu’imposent ces disciplines.
Dans les dix années qui viennent, il faut motiver les gens, il faut que cela s’installe dans la mentalité de tous. D’ailleurs, les assurances maladie et le gouvernement ont tout intérêt à ce que les gens comprennent l’utilité de bouger. Comme on dit aux US : « Sitting is the new smoking ! »
Comment voyez-vous le marché français par rapport à ses voisins ?
HR _ Le marché français est légèrement en retard comparé à ses voisins, mais il évolue rapidement.
Basic Fit a récemment publié qu’ils allaient être présents à la Bourse d’Amsterdam, probablement à partir du 10 juin. Leurs raisons : ils ont besoin d’argent pour une plus forte croissance. Basic Fit compterait actuellement 1 million de membres en Europe, et le pays où ils comptent réaliser la meilleure croissance est la France avec pour objectif de doubler voire tripler leur nombre de clubs. La France est aujourd’hui à un point d’évolution important. Je pense que le problème de la France ces dernières années est qu’elle a manqué de professionnalisme sur ce marché…
Dites-nous en quoi consiste l’EREPS ? Quel est son rôle pour la formation des profs et des coachs en Europe ?
HR _ L’EREPS (European Register of Exercise Professionals) est un processus indépendant qui qualifie et enregistre les professeurs, les coachs, évoluant dans le domaine de la santé, du fitness et de l’activité physique. À l’heure actuelle, l’EREPS connaît une grande évolution. Il est important que les coachs français comprennent que, certes nous avons en France notre système de diplôme d’État, mais l’EREPS est un plus, puisque les clients
veulent être rassurés en sachant leur coach qualifié, capable de donner le meilleur pour les combler. L’Ereps, répondant à des standards européens, offrira plus de légitimité aux coachs.
Pensez-vous que l’Europe supprimera un jour la particularité du diplôme d’État obligatoire pour enseigner dans les clubs en France ?
HR _ Bien sûr, et c’est le même problème pour d’autres diplômes d’État. Par exemple, il y a un procès actuellement concernant le diplôme des professeurs de ski. Si cela fonctionne, une ouverture sera faite pour le fitness. Nous assistons aujourd’hui à une évolution positive.
Quelle est la feuille de route d’Europe Active pour les dix prochaines années ?
HR _ De nos jours, dix ans paraissent être une éternité, il m’est compliqué de me projeter si loin. Pour une plus grande réussite, les clubs doivent, dans les prochaines années, investir plus dans la formation, la motivation et le professionnalisme de leur staff.
Depuis 2015, Europe Active utilise un nouveau slogan : « 80 millions d’adhérents fitness en 2025 en Europe ». Pour réaliser cet objectif, il faut regarder combien de membres nous comptions en 2015, soit 50 millions. Pour atteindre les 80 millions, il faudra une croissance d’environ 5 % par an. 2015 était une année difficile et nous avons eu une croissance de 4,9 %. Le pari est grand, mais je suis sûr qu’on arrivera en 2025 à plus de 80 millions. Les grandes villes françaises et européennes disposent d’une grande marge de progression pour tirer vers le haut le marché européen du fitness.
Interview effectuée par Pierre-Jacques DATCHARRY.
TOP 20 DES OPÉRATEURS EN FRANCE*
1 – L’Orange Bleue : 316
2 – CrossFit : 200
3 – Groupe Moving : 182**
4 – Keep Cool : 150
5 – Nextalis (amazonia, gygagym…) : 102
6 – Vita Liberté : 90
7 – Curves : 80
8 – Magic Form : 75
9 – Basic Fit : 45
10 – Feel Sport : 40
11 – Liberty Gym : 36
12 – L’appart Fitness : 34
13 – CMG Sports Club : 23
14 – Neoness : 21
15 – Wake up Form : 20
16 – Energie Forme : 18
17 – Les Cercles de la Forme : 17
18 – Freeness : 15
19 – Sun form : 14
20 – Movida : 12
Arrivent ensuite les enseignes Fitlane, Forest Hill, Vive Eden… Il s’avère donc que toutes ces enseignes progressent et tirent la croissance du marché.
A noter cependant la disparition dans ce classement de Healthcity qui a été vendu en fin 2015 et l’entrée fracassante du groupe Neerlandais Basic Fit qui exploite déjà 45 clubs et celle de Feel Sport qui regroupe des anciens clubs Amazonia.
A savoir, également : il s’opère actuellement un certain nombre de fusions et d’acquisitions dans les petits réseaux de moins de dix clubs.
*En nombre de clubs exploités à fin mars 2016, en bleu les groupes en propre qui ne franchisent pas.
**en France et 212 clubs au total avec 5 autres pays.