Pourquoi les enfants ont-ils été délaissés par le fitness jusqu’à maintenant, demande Helena Gil ? Elle a cofondé avec son mari, Frédéric, un concept pouvant accueillir les plus jeunes dès 10 mois. Une prouesse qui répond à l’enjeu du siècle de la sédentarité juvénile. Liberty rencontre un vif succès.
Frédéric et Helena Gil forment le duo à la tête de Liberty Fitness & Coaching. Et si leur emploi du temps est si serré, c’est parce que la jeune franchise est en pleine accélération. Une dizaine d’ouvertures sont prévues d’ici la fin de 2022, pour une cinquantaine de clubs visés à horizon 2025. Liberty Fitness est né en 2015 à Marignane – le couple est de la région – pour rapidement s’étendre dans le Sud : Plan de Campagne, Vitrolles, mais aussi dans le Nord-Est avec Nancy. Bientôt, Valenciennes, Castres, Toulouse, Mulhouse, pourquoi pas Perpignan et Lyon. « On essaie de viser les belles villes », confie Helena Gil. Et même Paris : ce sera « la vitrine ».
Mais alors, qu’est-ce qui explique cette dynamique ? Qu’on se le dise, Liberty Fitness & Coaching propose une offre inégalée sur le marché, et le fait avec brio. Alors que les enfants sont toujours, en 2022, les parents pauvres du fitness, voilà un club qui a eu le courage de s’adresser à ce segment de marché. Aux adhérents qui finissent par abandonner toute activité physique parce qu’ils ne peuvent pas faire garder leur progéniture ; aux jeunes sédentaires qui glissent vers le surpoids et les problèmes de santé ; aux familles qui voudraient partager une activité ensemble ; et à tant d’autres, ce centre de fitness a trouvé une formule qui pourrait bien s’imposer dans le paysage : du fitness pour les enfants à partir de 10 mois ! Liberty a segmenté son offre en strates selon l’âge, en y intégrant des moments de convivialité et une large plage horaire, de 8 h à 17 h 30. Une garderie sportive, en somme. Serait-ce la formule miracle du fitness ?
SPORT EN FAMILLE
Pour comprendre cet ovni, il faut revenir sur le parcours des deux fondateurs. Frédéric Gil est un ancien franchisé Freeness. Helena Gil, elle, est une ancienne gérante de salle de sport pour enfants. « Nous avons tout simplement mêlé nos activités », résume la manager. Ils peaufinent leur concept pendant quatre ans. Mais dans un premier temps, ils font fausse route. « Nous avons commencé par travailler sur la quantité, et pas la qualité, avec une offre à 19,90 euros par mois, mais on s’est vite rendu compte que c’était une erreur. Comparé à la concurrence, on ne sortait pas du lot. Il valait mieux privilégier l’accompagnement », explique Helena. Le duo repense entièrement son offre pendant deux ans. À Marignane, le bel espace de 1 500 mètres carrés est dorénavant une « salle de sport pour la famille ». « Souvent, les parents ne peuvent pas aller au sport, car ils n’ont personne pour garder les enfants, donc en créant une garderie sportive, ils n’auront plus aucune excuse pour ne pas faire de sport », argumente-t-elle. « Beaucoup d’enfants sont trop devant les écrans, on a perdu l’habitude du sport et de la nourriture saine, l’idée est de rectifier le tir, et ce, dès la petite enfance. » Résultat ? Sans faire aucune publicité et juste avec le bouche-à-oreille, les familles se sont mises à affluer.
Pour encadrer des enfants si jeunes, Liberty Fitness découpe son offre en quatre catégories. Baby, pour les 10-36 mois, avec du Baby Gym et Baby Danse. Junior, de 3 à 5 ans, avec du Baby Gym encore, mais aussi du Circuit Training, Boxing et natation. Kids, pour finir, de 6 à 14 ans, avec fitness, hip-hop, Zumba, Cross Training, boxing et natation. Alors que le fitness a encore dans ses détracteurs les apôtres du « frein à la croissance avant 16 ans », comment prendre en charge, non pas des enfants, mais des nourrissons ? Évidemment, on ne va pas demander à bébé de faire du développé couché… Les tout-petits sont pris en charge dans une zone de 100 mètres carrés. À cet âge, les cours sont encadrés par deux professionnels diplômés en BPJEPS APT, mais toujours avec leurs parents. Les petits évoluent dans des parcours de motricité et participent à des activités d’éveil musical. Les séances durent une heure et accueillent 15 enfants au maximum. À ce jeune âge, on est en droit de se demander si ça ne vire pas au pugilat, avec force cris et pleurs. « Pas du tout », rétorque sans hésiter Helena Gil, selon qui « la présence des parents aide à encadrer tout en créant des moments de partage ». Ces cours sont à 29,90 euros par mois pour trois séances par semaine.
LE FITNESS MIGNON
Lorsqu’on est tombé dans la marmite du fitness en étant petit, on ne décroche plus. D’après la manager, le taux de fidélisation entre les classes d’âge est excel- lent. Le deuxième étage de la fusée démarre à 3 ans. « À cet âge, on voit une chose nouvelle, ils veulent faire comme papa et maman, donc l’idée est de proposer les mêmes cours, mais adaptés à leurs capacités », poursuit la gérante. Du mini-fitness avec ses petits tapis, ses petits vélos et ses petits rameurs. Liberty aurait-il inventé le fitness mignon ? L’enseigne s’équipe chez Pequefitness. C’est que c’est du sérieux : pour ces cours, les parents sont désormais absents. « On continue les parcours de motricité, mais on ajoute l’aspect matériel et du circuit training pour qu’ils se dépensent, en gardant à l’esprit que ce doit être ludique », continue Helena. Attention, secret de fabrication – à un âge où garder son attention une heure relève de la gageure : « On change d’activité toutes les 10 minutes pour les canaliser, on panache la séance avec des jeux de reconnaissance de couleurs, des parties de cache-cache et de la danse. »
Les choses deviennent plus sérieuses encore à partir de 6 ans. Là, les cours mixent les enfants et les préadolescents de 13 et 14 ans ; c’est un peu le collège du fitness. Les cours sont inspirés des adultes : step, Zumba, cuisses-abdos-fessiers, combat ! « Les séances sont bien sûr limitées à 15 personnes et elles sont touours pleines », se félicite Helena Gil. Mais à partir de 10 ans, c’est une autre forme d’encadrement qui intervient : le coaching personnel. Une offre, là encore, assez unique en France. Le Kid Coaching répond à un autre phénomène qui commence, lui aussi, à intervenir à cet âge : le surpoids. Le coaching répond aussi à un besoin de préparation physique en vue de compétitions. Ou encore, à un besoin de réédu- cation de l’enfant à la suite d’une blessure ou une pathologie. Voilà pour le Kid Fitness. Et à partir de 14 ans ? Eh bien, les voilà fin prêts pour se lancer dans le grand bain de la salle de musculation. À condition d’obtenir une autorisation écrite des parents et de réaliser un entretien avec un coach Liberty. Il prodiguera les conseils de sécurité essentiels au bon emploi des machines, et il mettra en place un suivi d’objectifs et une programmation sportive.
La garderie sportive se distingue aussi par des horaires adaptés aux rythmes de la vie des parents. Les cours pour les bébés se déroulent le matin et, à partir de 3 ans, l’après-midi, à 17 h 30, après l’école. Les stages sportifs – qui complètent le tableau – ont lieu le mercredi de 8 h à 17 h 30. En général, la garderie est ouverte de 9h à 12h30 et de 17h à 19h30. Mais attention, précise Helena Gil : « Ce n’est pas une garderie classique, c’est une garderie sportive, encadrée par des BPJEPS APT. » En tout cas, ça marche. Marignane compte 350 enfants inscrits – dont une centaine de tout-petits ! – sur 3 000 adhérents en tout. À Plan de Campagne et à Vitrolles, les clubs comptent environ 200 enfants, pour un objectif de 300 à 400 sur un total de 800 à 1 000 clients.
DÉFIER LES BANQUES
Quand on connaît les difficultés d’accès au finan- cement dans le fitness, intuitivement, on se dit qu’un projet si porteur a immédiatement emporté l’adhésion des banques. C’était sous-estimer leur méconnaissance du sujet. Alors que Liberty Fitness promet de répondre à la double problématique de la sédentarité des adolescents et au besoin des parents de conjuguer vie de famille et activité physique, les banques, elles, jettent littéralement… le bébé avec l’eau du bain.« Vous savez, les salles de sport, elles n’aiment pas trop ça, donc on a eu des refus de toutes les banques », se désole encore Helena Gil. Là encore, c’était méconnaître l’ingéniosité de la manager, qui a fini par obtenir un financement bancaire ; mais avec quelle manière ! « J’y suis allée au culot », sourit-elle, malicieuse. Prenez note.
« J’ai créé ma page Facebook en faisant comme si la salle allait ouvrir. Cela a suscité un vrai engouement des familles qui se sont intéressées à l’offre axée autour des enfants. Il y a eu plein de messages. Comme on avait déjà le local, on a organisé une journée de préinscription qui a eu un succès fou, car nous avons récolté 20 000 euros. Puis je suis retournée voir la banque avec ça », raconte Helena Gil. Et devinez la suite ? « Les banques nous disaient que les enfants, ça préfère faire du foot et de la danse, pas du fitness, mais désormais, elles ont compris que ça marchait » s’enorgueillit la manager, qui a aujourd’hui leur appui.
L’investissement du centre de Marignane se monte à 400 000 euros. Une enveloppe supérieure aux autres clubs, car celui-ci a une particularité : sa piscine. Le couple a apporté 50 000 euros. Quant au local, d’une valeur estimée à 200 000 euros, il était déjà leur propriété ; il vient de l’ancienne vie de franchisé de Frédéric Gil. Continuons de parler chiffres, car c’est l’autre grande force de Liberty Fitness & Coaching.
Comme pour beaucoup de marques, un aspirant franchisé devra apporter 50 000 euros. Mais pour un prêt bien moindre que la moyenne, à seulement 150 000 euros. « On le sait dans le milieu, et c’est un problème, explique Helena Gil, beaucoup de franchises prennent énormément de marge sur tout, c’est du ×2 ou ×3. Nous, on est contre ça, car on a été franchisés aussi et on a souffert de ça, on ne veut pas se gaver sur nos franchisés, mais qu’ils réussissent. S’ils sont satisfaits, alors il y a plus de chances qu’ils ouvrent un deuxième et un troisième club. » Soutenu par un partenaire courtier, le franchisé devra trouver un emplacement de 600 à 800 mètres carrés, idéalement en zone commerciale et pas en centre-ville, car il faudra absolument un parking. Le profil recherché ne doit pas forcément être sportif, mais mieux vaut savoir gérer une société. Côté équipe, comptez un gérant, donc, avec deux diplômés BPJEPS minimum. Avec ça, si tout est OK, un centre Liberty Fitness promet une rentabilité entre 3 et 6 mois.
LE MOTEUR DU COACHING
Pour ce prix, le centre ne touche pas que les enfants, mais aussi, donc, leurs parents. L’offre de fitness adulte reste le cœur du réacteur. Revenus du low cost rapidement, les managers ont augmenté leurs prestations pour les axer autour du coaching. Il se déroule en individuel ou en small groups de 10 personnes. Le prix démarre à 39 euros par mois pour un accès libre au plateau et aux cours collectifs classiques (Zumba, pump, step, etc.) « mais ce n’est pas ce que nous vendons le plus », assure Helena Gil, « car ce n’est pas ce qui permet de fidéliser ». Quand une personne vient dans le club, elle ne choisit pas un abonnement, elle a un entretien durant lequel le commercial lui propose la bonne formule adaptée à ses objectifs. Si besoin, celui-ci renvoie le client vers un médecin nutritionniste partenaire. Bien souvent, cela mène à du coaching.
Le prix démarre à 59 euros mensuels, ce qui ouvre droit aux sessions en small groups, pour s’établir à 89 euros pour un coaching privé par semaine, et aux petits groupes. Ces deux formules – facturées à l’année en prélèvement mensuel – pèsent 60 % du chiffre d’affaires, sur un total de 900 000 euros à Marignane, dont 300 000 euros pour la piscine. Là encore, Liberty a pris ses libertés avec les conventions. « Nous sommes allées en Italie où ils ont dix ans d’avance en matière d’aqua gym, et nous y avons ramené de nombreuses pratiques innovantes : aqua trek, elliptique, pole dance… » se félicite Helena Gil, qui a pratiqué la natation elle-même de nombreuses années. Le bassin accueille tout de même neuf cours par jour avec trois coachs spécialisés. La cerise sur le gâteau : la piscine accueille bien évidemment plein de bébés nageurs.