En créant Zone Revolution, Yoann et Marina Jalinier, deux anciens champions de roller-hockey, ont créé le concept le plus adapté au monde du travail. Ce boutique gym propose des cours de cross training de 27 minutes que l’on peut rejoindre toutes les 3 minutes. Le concept est un carton plein.
Zone Revolution, c’est comme le métro : un train part toutes les 3 minutes. Alors que la vie moderne trépidante empêche parfois de réserver un cours de fitness et de s’y astreindre, ce jeune club ouvert juste avant le premier confinement a eu une idée si innovante et si simple, mais qui n’existait pas en France : permettre à chacun de rejoindre un cours collectif n’importe quand. « Booster », c’est le nom du concept, dure 27 minutes. Les cours sont découpés en neuf zones avec autant de types d’efforts différents : échauffement, Air Bike, boxe, TRX, deux zones libres pour exprimer l’imagination du coach, haltères et bancs, Air Runner… Les cours regroupent neuf personnes qui se succèdent. « Cela plaît énormément, surtout pour les pratiquants qui travaillent, au point que c’est sur ce concept que nous développons la franchise », se félicite Marina Jalinier, cofondatrice de Zone Revolution en 2020 avec son mari Yoann. Tous les deux ont renversé le paradigme du fitness et ses codes pour le rationaliser. Ils l’ont, en fait, disrupté.
Malgré la Covid et les fermetures, le couple a réalisé la prouesse d’ouvrir six clubs, dont deux à La Rochelle et quatre à Bordeaux, dont un en plein centre, rue Sainte-Catherine. « On a fait le salon de la franchise en mars et alors que nous avions un petit stand de 5 mètres carrés tout au fond, tout le monde nous connaissait et nous avons noué beaucoup de contacts, c’était un peu hallucinant », confie Marina Jalinier. En plus du Booster, elle pense que ce qui plaît, c’est l’aspect connecté. « Les adhérents ont tous un bracelet connecté pour un suivi poussé de leur séance via une application, ils voient leur historique, les calories brûlées, les performances cardiaques et chaque cours ramène des points. À chaque objectif atteint, on distribue un badge qu’ils peuvent accrocher sur le sac à dos, un peu comme un général de l’armée », sourit la manager. Mine de rien, voilà un beau produit d’engagement et de gamification. Un troisième pilier que met en avant la fondatrice, c’est l’aspect communautaire organisé autour de soirées toutes les six semaines où l’on remet les fameux badges. Au menu, workout and drink, DJ, et sorties run « pour casser la routine ».
GONG
Organiser des sessions de fitness aussi souples et avec une mesure des données, ça cache forcément un secret. Le couple a déniché un fournisseur italien, UPTIVO, peu connu dans l’Hexagone, mais qui serait une perle.
C’est que le duo a engagé 100 000 euros dans la technologie pour développer la gamification et le tableau de bord pour les managers. Côté technologie encore, le club a aussi tourné un millier de vidéos qui servent de support de cours au coach. Ce n’est pas tout. Le couple a peaufiné le concept jusqu’à mixer ses musiques pour qu’elles durent 2 minutes et 30 secondes, soit la durée d’une session, puis 30 secondes de récupération (qui font 3 minutes). « Les entraînements se font beaucoup à l’oreille, avec un gong qui donne le tempo », décrit la manager.
Alors que beaucoup de centres de fitness se développent dans les zones commerciales, accessibles en voiture, Zone Revolution vise les centres-villes. « On doit pouvoir s’y rendre à pied », pointe Marina Jalinier. « Les gens viennent chez nous et repartent sans se doucher, car ils habitent à côté », poursuit-elle. C’est que Zone Revolution se décrit comme une boutique gym, soit un petit centre à l’offre hyper resserrée. Si bien que le couple a été approché par plusieurs acteurs voulant intégrer leur offre. « De grosses structures nous ont approchés, ce sont des acteurs qui ont 200 mètres carrés dans un coin et voudraient le rentabiliser, alors ils pourraient y intégrer une zone Booster, comme un pop-up store », confie la dirigeante. Elle est même en discussion avec un gros acteur du coworking. Alors que l’offre est taillée pour les professionnels pressés par le temps, de là à imaginer que tous les gros centres d’affaires et grands groupes aient leur zone Booster, il n’y a qu’un pas. Pour adapter l’offre, Zone Revolution réfléchit à étendre le concept à 18 personnes par cours, mais à condition de doubler le nombre de coachs pour ne pas détériorer le suivi de l’entraînement. Le couple assure « récupérer beaucoup de coachs déçus par les clubs de fitness classiques ».
À La Rochelle, Zone Revolution a installé un corner dans le centre Le Five (un concept de foot à 5, proche du futsal). « Ils ont remplacé le fitness qui ne marchait pas par le Booster et maintenant, ça cartonne », assure Marina Jalinier, qui ajoute avoir « mis un gros budget digital sur les réseaux sociaux pour amener du trafic ».
LIGHT IS RIGHT
Avec 1 200 adhérents au total – acquis en deux ans, dont un et demi de Covid ! – Zone Revolution revendique un point mort à seulement 170 adhérents. « Cela demande une petite surface et génère très peu de charges », pointe la cofondatrice. Un centre réclame 220 mètres carrés pour 300 à 400 adhérents visés, pour 40 passages à l’heure. À 77 euros l’abonnement mensuel (97 pour le club du centre de Bordeaux, forcément plus cher), un club peut escompter un chiffre d’affaires annuel supérieur à 300 000 euros. « On a ouvert trois mois avant la Covid donc nous n’avons jamais connu de bonne période, tempère Marina Jalinier. Je viens de recevoir les chiffres du syndicat du fitness et le marché est encore à -30 % comparé à la période pré-pandémique, donc nous subissons encore ce contexte de marché. Malgré tout, nous avons quand même réussi à rendre viable le premier club pendant six vagues de Covid. Nous avons deux centres et demi qui ont atteint l’équilibre en six mois et nous prévoyons avec certitude que les six centres seront rentables d’ici la fin de l’année. » Le taux de perte de clients n’est que de 4 % contre 15 % pour le marché.
« Quand la Covid a frappé en 2020, je ne sais pas pourquoi, mais mon mari et moi, on s’est dit que ça allait durer longtemps. On s’est dit qu’on allait rater les pics de septembre, mais on a quand même décidé de prendre ça comme une opportunité », raconte Marina Jalinier. Le couple imagine ouvrir une deuxième salle dans les trois ans, mais avec la pandémie, il se dit que « ce sera très compliqué de suivre ce plan de départ, et ce, malgré le prêt garanti par l’État (PGE) » et les autres aides auxquelles ils ont droit. « On s’est dit qu’il fallait alors mettre à profit cette période de Covid pour nous concentrer sur le concept et travailler à fond la franchise », poursuit la cofondatrice. Quand on dit qu’une crise ouvre des opportunités, cela se vérifie ici encore. Car sans cette période de réflexion, le concept phare de Booster ne serait peut-être pas né. Au début, Zone Revolution n’avait rien à voir avec ça, d’ailleurs. L’offre proposait du boxing et du yoga. « L’idée était pourtant en germe dans notre esprit, alors on a décidé de creuser ce sillon en développant les vidéos, le logiciel et l’aspect communautaire », indique la manager. Lauréate d’un projet bénévole de l’agence de communication parisienne 4uatre (prononcer « quatre »), Zone Revolution bénéficie d’une refonte graphique précieuse pour seulement 10 000 euros au lieu de 100 000, et d’une équipe de 10 personnes. « Les avocats ont travaillé la franchise, on a changé de fournisseur de bracelets connectés et on a décidé de faire une mini-levée de fonds », précise Marina Jalinier. Parmi les actionnaires, le père de Yoann, Jean-Michel Jalinier, ancien CEO de Renault F1, Tony Jalinier, cofondateur et CEO du groupe Le Five, ainsi que son associé Guillaume Debelmas, également cofondateur et CEO, mais aussi Thomas Dulion, directeur du développement de Zone Revolution, ou encore Maxime Bernard, propriétaire du Five de La Rochelle.
EN TOUTE FRANCHISE
« Il était important de nous entourer de personnes qui ont cette expérience pour faire les bons choix, car j’avais une expérience business zéro », pointe Marina Jalinier. Après un financement bancaire pour ouvrir le premier centre, le couple réalise, en tout, deux tours de table, dont le dernier de 500 000 euros pour recruter un directeur opérationnel et accélérer le développement de la franchise. Sur le digital, 100 000 euros ont été investis dont 35 000 euros ont été financés par Bpifrance dans le cadre de ses aides à l’innovation. « Nous avons conscience que cela reste de petits budgets en comparaison à d’autres acteurs du marché », sourit Marina Jalinier. Alors que la septième vague de Covid frappe, Zone Revolution est inscrite dans une dynamique que rien ne semble pouvoir arrêter. Malgré le blocage du secteur du fitness, l’enseigne a explosé ses objectifs en ouvrant six centres en plein Covid… Les franchisés joueront un rôle majeur pour la suite de l’aventure.
Il faut compter 300 000 euros pour ouvrir un centre, ce qui inclut la franchise, un petit fonds de roulement pour les charges des débuts. « On conseille d’apporter entre 80 000 et 90 000 euros, car malheureusement, le fitness n’est pas en bonne posture et si la banque tolérait 20 % d’apport avant la crise, ce n’est plus le cas et il faut désormais compter 30 à 35 % selon le dossier », conseille la dirigeante. Pour le démarrage, Zone Revolution recherche des porteurs de projets qui ont une expérience entrepreneuriale et qui veulent ouvrir plusieurs clubs. Il y a des exceptions. « Nous avons deux jeunes anciens sportifs de haut niveau qui n’ont pas d’expérience d’entreprise, mais qui ont l’apport nécessaire et surtout, qui rêvent d’ouvrir un centre Zone Revolution, donc on a dit OK », confie Marina Jalinier. Pour toute ouverture, les franchiseurs aident à trouver le local, à monter le dossier bancaire, à faire les travaux avec l’architecte partenaire et à commander et installer le matériel. Concernant la zone de chalandise, « au début, on se disait que ça ne marcherait que dans les grandes villes, mais nos deux franchises à La Rochelle nous ont démontré le contraire, les deux clubs explosent, avec des courbes de croissance incroyables », témoigne la cofondatrice, qui n’exclut plus les villes moyennes, là où il n’y a pas vraiment d’alternative crédible au fitness classique – de plus en plus rongé par le low cost. Mais il est une ville où Zone Revolution a toute sa place, c’est Paris. Le duo est en discussion avancée avec un porteur de projets, un ingénieur de 26 ans dont le père a réussi dans le secteur des habits de luxe et va l’aider à lancer sa franchise. « Dans la capitale, il y a beaucoup de studios et de boutiques gym depuis cinq ans, car les gens ont compris la différence », explique la patronne. Pour elle, « plus ces centres se multiplient et plus c’est bon pour nous ». Autant d’acteurs qui valident le modèle du boutique gym et ainsi, celui de Zone Revolution.
IRAN
Cette concurrence, très digitale, risque de faire bondir les budgets d’acquisition sur les réseaux sociaux. Rien qui effraie le couple. Zone Revolution anticipe 50 nouveaux centres dans les trois ans et 100 d’ici cinq à six ans. Les deux premières années, le but était d’être rentable pour éviter les levées de fonds. « Ce qui aide, c’est de signer des franchises », pointe Marina Jalinier. Quand ils ont un objectif en tête, Marina et Yoann Jalinier, sportifs de haut niveau, ne le lâchent pas. On dit qu’une entreprise à succès est une bonne idée doublée d’une excellente exécution. Autant dire qu’avoir été compétiteur aide à s’astreindre à une rigueur quotidienne et à garder le cap. Yoann a vécu du roller-hockey toute sa vie quand Marina était membre de l’équipe de France. Lui était directeur du club de Saint Médard près de Bordeaux. Elle, qui a commencé sur le tard – à 14 ans – et qu’on ne prédestinait donc pas au haut niveau, a une dizaine de championnats du monde à son actif. Un pedigree qui l’a menée à devenir entraîneuse nationale de l’équipe féminine de roller-hockey d’Iran ! Et là, croyez-le ou non, c’est là que Marina Jalinier a découvert le concept de boutique gym. « Ils en avaient ouvert cinq, ils étaient en avance sur nous ! » Les Jalinier décident alors de monter leur affaire. Partent à Londres faire la tournée des références du marché. Et se lancent en couple.